Monsieur Palomar

À une époque et dans un pays où tout le monde se met en quatre pour proclamer opinions et jugements, monsieur Palomar a pris l’habitude de se mordre la langue trois fois dans la bouche avant de prononcer la moindre affirmation. Si la troisième fois qu’il s’est mordu la langue il reste encore convaincu de ce qu’il allait dire, il le dit; sinon, il reste coi. De fait, il passe des semaines et des mois entiers en silence.

Italo Calvino, «Quant à se mordre la langue », Monsieur Palomar, p.147 (cité dans le magazine Critique -926, juin-juillet 2024)

Le sens de la vie et la mort

Je viens de terminer la lecture du livre « Un sens à la vie » du philosophe belge Pascal Chabot. Le livre explore le thème suivant : « Le sens est partout mais sa définition, nulle part. On veut du sens pour son travail, dans ses relations, face au système. Mais que cherche-t-on en cherchant du sens ? Que cache ce Graal éternel, devenu tellement important qu’il semble avoir supplanté la recherche du bonheur ? » Avec un titre (et un sujet) qui pourrait être considéré « nouvel âgeux » au premier regard, on retrouve dans cet ouvrage une véritable recherche de ce thème qui apporte une autre solide pierre à mon édifice philosophique. Au cours des prochains billets (à commencer par celui-ci), je vous partagerai quelques extraits que vous trouverez intéressants j’espère.

À partir de la page 238, Chabot explore le rôle de la mort dans le sens de la vie et le rôle de la philosophie face à la vie. Extrait:

La mort n’a rien à enseigner, sinon d’aimer la vie. Et c’est pourquoi, quand Montaigne dit que « philosopher, c’est apprendre à mourir », il signifie aussi que philosopher, c’est aimer la vie en connaissance de cause, c’est-à-dire dans sa finitude. (…) la philosophie affirme en milieu de la vie ce que certains ne saisissent qu’au dernier moment et avec regret. Elle n’apprend pas concrètement à mourir, ce qui n’a pas de signification, mais prévient anticipativement l’émergence de ces regrets, transformant tous les « j’aurais aimé » en de simples « j’aime ».

Le cloisonnement, la représentation et la projection

« Mes étudiants ont grandi en ayant conscience d’avoir un double extériorisé – un double numérique, une identité idéalisée, distincte de leur moi “réel” (le cloisonnement), qui leur sert à incarner le personnage qu’on attend d’eux (la représentation) s’ils veulent réussir. Dans le même temps, ils doivent projeter sur d’autres personnes (la projection) chacune des parties indésirables et dangereuses d’eux-mêmes : l’ignorant, le problématique, le déplorable, le “non-moi” qui délimitent les frontières du “moi”. Cette triade – le cloisonnement, la représentation et la projection – est en train de devenir une forme universelle de dédoublement, générant un personnage qui n’est pas exactement ce que nous sommes, mais que les autres perçoivent comme tel. »

Extrait du livre « Le double » de Naomi Klein, recensé par Christian Salmon dans le magazine AOC.

https://aoc.media/critique/2024/12/15/linquietante-etrangete-du-monde-sur-le-double-voyage-dans-le-monde-miroir-de-naomi-klein/