Je viens de terminer la lecture du livre « Le mythe de Sisyphe » d’Albert Camus. Publié en 1942, cet ouvrage nous présente sa philosophie de l’absurde, définie comme « la recherche en vain de sens de l’homme, d’unité et de clarté, dans un monde inintelligible, dépourvu de Dieu et dépourvu de vérités ou valeurs éternelles. ». Ce courant philosophique, nommé absurdisme, « explore en outre la nature fondamentale de l’absurde et la façon dont les individus, une fois devenus conscients de l’absurde, devraient y répondre. »
Camus déduit que la seule réponse possible à l’absurde est de l’accepter. En voici une explication plus en détail tirée de la page anglaise de Wikipedia sur l’absurdisme (ma traduction libre) :
Sa liberté – et la possibilité de donner un sens à sa vie – réside dans la reconnaissance de l’absurdité. Si l’expérience absurde est vraiment la réalisation que l’univers est fondamentalement dépourvu d’absolus, alors nous, en tant qu’individus, sommes vraiment libres. [Il s’agit donc d’] une démarche philosophique visant à définir les absolus et les universaux de manière subjective plutôt qu’objectivement. La liberté des humains est donc fondée dans leur capacité naturelle de créer son propre sens et son but; décider ou penser pour lui-même/elle-même.
Pour conclure son ouvrage, Camus nous donne en exemple Sisyphe, surtout connu pour sa peine qui consiste « à pousser une pierre au sommet d’une montagne, d’où elle finit toujours par retomber. » La page Wikipédia sur le livre de Camus mentionne ceci :
Camus est intéressé par les pensées de Sisyphe lorsque celui-ci marche en bas de la montagne, pour recommencer de zéro son épuisante ascension. Après que la pierre est tombée en bas de la montagne, Camus affirme : « C’est pendant ce retour, cette pause, que Sisyphe m’intéresse. Un visage qui peine si près des pierres est déjà pierre lui-même ! Je vois cet homme redescendre d’un pas lourd mais égal vers le tourment dont il ne connaîtra pas la fin ». Le moment est vraiment tragique, quand le héros prend conscience de sa condition misérable. Il n’a pas d’espoir mais « il n’est pas de destin qui ne se surmonte par le mépris ». Reconnaissant la vérité, Sisyphe, tout comme l’homme absurde, ne cesse de pousser. Camus affirme que lorsque Sisyphe reconnaît la futilité de sa tâche et la certitude de son sort, il est libre de réaliser l’absurdité de sa situation et de parvenir à un état d’acceptation. (…) Camus conclut que « tout est bien », en effet, qu’ « il faut imaginer Sisyphe heureux »
(Notez que ce concept de Sisyphe heureux a déjà été évoqué par le philosophe japonais Kuki Shūzō en 1928 : « Sisyphe devrait être heureux, étant capable de la répétition perpétuelle de l’insatisfaction. » Aussi, ce concept a été analysé à l’émission « Les chemins de la philosophie » en 2015.)
Trouver un sens à son existence est toujours d’actualité comme en font foi les diverses réflexions que l’on retrouve constamment sur Twitter à ce sujet. D’ailleurs, comme Camus le présuppose, il est intéressant de considérer que c’est le rejet de la religion qui force l’être humain à y réfléchir plus activement. L’écrivain canadien Douglas Coupland avait traité du sujet en 1994 dans le superbe « Life after God », proposant même que la génération X (expression qu’il avait inventée dans un roman précédent) était la première génération à être élevée sans religion. Son livre explore ce qu’est la foi dans un monde vide de religion. Dernier point sur ce livre : poussée à outrance, la recommandation de Camus peut sans doute mener à un individualisme extrême dans notre société.