Dans le cadre d’une intéressante série de six articles sur la méditation, le journal Le Monde du 2 août dernier offrait un entretien avec Antonio Pele, professeur de droit et de libertés publiques à l’Université pontificale catholique de Rio de Janeiro. Passionné de méditation, il remarque que celle-ci est de plus en plus populaire et postule que c’est en réponse « aux exigences toujours plus aiguës du capitalisme ». Il explique aussi que la pratique de la méditation, si elle est utilisée pour diminuer les impacts négatifs de l’accélération, peut causer des effets pervers. Extrait :
Mais [la méditation] peut aussi conduire à accepter le monde tel qu’il est, à s’adapter à cette accélération et aux inégalités qui se creusent, sans vouloir les remettre en cause. Elle peut induire chez certaines personnes l’idée que c’est en se changeant soi-même que l’on va changer le monde. Et que si l’on n’y parvient pas, c’est à cause d’un « mauvais karma ». C’est en quelque sorte une façon de faire le jeu du capitalisme, ou en tout cas de ne pas le remettre en cause. Or la méditation seule ne peut pas changer le monde.
Les observateurs de la scène des jeunes pousses technologiques ont bien remarqué l’émergence relativement récente d’applications de méditation comme Calm ou bien Headspace. Les investisseurs en capital-risque ont d’ailleurs soutenu ces compagnies à coup de millions de dollars (143 pour Calm, 75 pour Headspace). À elles seules, ces deux applications sont téléchargées par millions chaque mois. Dans un billet récent, j’expliquais (en utilisant les théories du philosophe Hartmut Rosa) que l’accélération perçue en notre période de modernité tardive mène à un sentiment d’anxiété dans la population. On peut donc comprendre pourquoi ces compagnies ont tant de succès, mais le professeur Pele nous explique bien que la méditation n’est peut-être pas la panacée désirée contre les effets d’accélération. À nous d’en prendre connaissance.