
Le plus récent numéro du magazine Philosophie nous propose un entretien avec le grand philosophe allemand Jürgen Habermas. À 92 ans, Habermas demeure encore une source précieuse pour éclairer nos réflexions. Tout l’entretien vaut la peine d’être lu, mais une question (et la réponse d’Habermas) a particulièrement retenu mon attention :
Q: Votre Théorie de l’agir communicationnel [1981] promeut l’idéal d’un débat rationnel ouvert entre toutes les citoyennes et tous les citoyens. Les conditions d’un dialogue apaisé sont-elles encore réunies ?
A: Avec votre question, vous touchez un thème de fond – le risque que les réseaux sociaux délitent l’organisation même du débat politique et que la communication publique ne soit plus le lieu où s’établit la distinction entre le « vrai » et le « faux ». En effet, le débat public devrait être structuré de telle sorte que des opinions concurrentes soient exprimées sur des questions identifiées par tous les camps comme pertinentes et partagées. Les plateformes numériques encouragent cependant la formation d’une quantité d’îles de communication tournant sur elles-mêmes et tendant à séparer les participants des flux d’informations qui ont fait l’objet d’une vérification rédactionnelle. De ce fait, le numérique fragmente les opinions publiques nationales au point que les citoyens ne se confrontent plus autour des mêmes sujets et, dans les cas extrêmes, ne vivent même plus dans le même monde politique.
C’est quand même incroyable ! Qui aurait cru qu’en 2000, par exemple, (et dieu sait que nous avions peur de franchir le 2000, on craignait le bogue), qui aurait cru que nous en sommes là aujourd’hui ?
Mais comment arriver à remettre cela en question ? Nous sommes tous enfermés individuellement.
Ouf !
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