Un peu en lien avec mon billet du 8 octobre dernier sur la poétique de l’espace et la joie d’habiter, la philosophe Barbara Cassin dans cet article du journal Le Monde réfléchit au volet « espace » de la nostalgie en nous expliquant qu’ « on veut revenir là où on était, où on est né, où on a fait sa vie, où on a été heureux. »

Photo par tomislav medak — CC BY-SA 2.0
Elle ajoute :
Quand donc est-on chez soi ? J’avais réfléchi, il y a maintenant dix ans, à partir de trois destins emboîtés. Ulysse, le « revenable », avec son lit conjugal creusé dans le fût d’un olivier encore enraciné ; mais il repart aussitôt pour un extrême ailleurs – là où l’on connaît si peu la mer qu’on prendra la rame qu’il porte sur son épaule pour une pelle à grains –, avant de pouvoir rentrer pour de bon vivre entre les siens le reste de son âge. Enée, l’exilé sans retour, qui abandonne, non seulement l’espoir de construire une nouvelle Troie, mais jusqu’à sa langue pour pouvoir fonder en latin ce qui deviendra Rome. Et Hannah Arendt, la naturalisée américaine, qui n’appartient à aucun peuple, mais n’est vraiment chez elle que dans sa langue, l’allemand plutôt que l’Allemagne, dans la chancelante équivocité du monde. Serait-on ainsi chez soi, non parce qu’on a là ses racines, mais parce qu’on est accueilli ?
Être accueilli. Cette formule mérite réflexion et pas uniquement au premier degré. Oui, on peut penser aux expatriés, au migrants volontaires ou non, qui arrivent dans un nouveau pays et que l’on doit accueillir avec le plus de bienveillance possible. Mais, dans un vingt-et-unième siècle soit-disant moderne qui, malgré toutes les avancées sociétales, tolère souvent mal la singularité, des citoyennes et citoyens ne se sentent pas tout à fait « accueillis » chez eux, parce qu’ils et elles sont perçus comme étant « différents ». Chacun, chacune, sans clivage, mérite d’être « accueilli » dans sa propre contrée.
Ce sujet est fort complexe. La France, en ce moment, vit pleinement ce sujet. Les Danois y vont à leur manière. C’est complexe et la résolution n’est vraiment pas simple.
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