Extrait d’une entrevue donnée par le philosophe Jean-Claude Monod, directeur de recherche au CNRS, au journal Le Monde le 3 avril dernier. Dans celle-ci, Monod nous explique le rôle des opinions et de la vérité en démocratie, en s’inspirant de Hannah Arendt.
Il y a deux choses sur lesquelles il faut veiller, comme le soulignait déjà Hannah Arendt dans son texte « Vérité et politique ». Premièrement, c’est l’opinion, et non la vérité, qui régit la démocratie, et il faut prendre garde à ce que les gouvernants ne se croient pas détenteurs d’un monopole de la vérité. Le pluralisme est une condition de la démocratie. Autrement dit, il n’existe pas de rapport simple entre vérité et démocratie.
Mais il faut également insister sur l’idée que l’opinion publique en démocratie a besoin de s’appuyer sur des faits, sur ce qu’Arendt appelle « des vérités de fait ». L’abandon de l’idée de vérité constitue un péril pour la démocratie tout autant que son monopole. Il ne faut donc pas considérer que tout est absolument relatif et sujet à perspectives et c’est aussi par là qu’Arendt distingue un pouvoir démocratique d’un pouvoir totalitaire : un pouvoir totalitaire peut passer son temps à transformer l’Histoire.
Ce qui est important de retenir ici, c’est que l’exercice de la démocratie vient de la confrontation des idées, des opinions. Cela rejoint la position d’Edgar Morin citée dans ce billet du 1er avril 2019. On voit aussi le risque de dérive vers le totalitarisme si un pouvoir prétend détenir le monopole de la vérité. On revient ici au besoin (exprimé par Aurélie Filippetti dans ce billet de mars 2019) de bien équiper la population avec des outils pour permettre la distinction entre une opinion et une vérité scientifique.